jeudi 1 février 2018

L’humanisme adoucit la machine décrite par Kafka dans La Colonie pénitentiaire. Moins de grincements, moins de cris. Le sang affole ? Qu’à cela ne tienne, les hommes vivront exsangues. Le règne de la survie promise sera celui de la mort douce, c’est pour cette douceur de mourir que se battent les humanistes. Plus de Guernica, plus d’Auschwitz, plus d’Hiroshima, plus de Sétif. Bravo! Mais la vie impossible, mais la médiocrité étouffante, mais l’absence de passions ? Et cette colère envieuse où la rancoeur de n’être jamais soi invente le bonheur des autres ? Et cette façon de ne se sentir jamais tout à fait dans sa peau ? Que personne ne parle ici de détails, de points secondaires. Il n’y a pas de petites vexations, pas de petits manquements. Dans la moindre éraflure se glisse la gangrène. Les crises qui secouent le monde ne se différencient pas fondamentalement des conflits où mes gestes et mes pensées s’affrontent aux forces hostiles qui les freinent et les dévoient. (Comment  ce qui vaut pour ma vie quotidienne cesserait-il de valoir pour l’histoire alors que l’histoire ne prend son importance, en somme , qu’au point d’incidence où elle rencontre mon existence individuelle ?) A force de morceler les vexations et de les multiplier, c’est à l’atome de réalité invivable que l’on va s’en prendre tôt ou tard, libérant soudain une énergie nucléaire que l’on ne soupçonnait plus sous tant de passivité et de morne résignation. Ce qui produit le bien général est toujours terrible. 

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