mardi 8 juin 2010


À côté de l'école primaire où j'ai fait mes classes quand j'étais ti-cul, il y avait une école pour les fous. Tout ce qui nous séparait c'était une clôture Frost. Il y avait un grand parmi eux dont je me souviens, à qui on aimait lancer des roches parce que ça lui faisait péter des crises hallucinantes. C'était chien, je sais, mais à cet age on connaissait pas mieux et de notre bord de la clôture on se bidonnait comme des malades quand, enragé noir, il virait gung-ho et se mettait à courir à la grandeur de la cour en tirant les autres débiles par les cheveux, en les bottant dans le cul et en leur cognant dessus. 
Je l'ai revu aujourd'hui dans le centre-ville, penché au dessus d'une poubelle de la Ville, il ramassait des cannettes. Il n’avait pas l'air mal en point. Il m'a regardé, mais il ne m’a pas reconnu. J'ai tout de suite cliqué quand je lui ai vu la face, comme s'il n'avait pas changé d'une miette pendant tout ce temps, pas vieilli d'une année et ça en fait plus d'une trentaine, bizarre. La même dégaine, les mêmes petits yeux, le même visage joufflu et la même petite moustache, tout pareil. 
Ça m'a fait drôle sur le coup. Aujourd'hui, c'est moi le plus grand des deux...fucked up.
À mi-chemin, il y a une quinzaine d'années, quand j'étais itinérant et que je me tenais dans les missions et dans les refuges pour sans-abris, j'en ai connu plein d'autres soucoupes. Ils coupent les budgets dans les hôpitaux et dans les centres d'accueil, ça va de soi que c'est dans la rue qu'on les retrouve. Il y en avait un, un petit frisé qu'avait l'air d'arriver de la campagne. Je l'ai côtoyé à la Maison du père à cette époque là. Un petit avec un baby-face, les épaules larges comme deux, des mains de bucherons et des bras de la grosseur de mes cuisses. Je n’ai jamais vraiment réussi à l'approcher, c'était le genre de type qui parlait tout seul et qui vivait dans sa bulle. J'ai déjà vu des gars se moquer de lui, mais à distance vu sa taille et comme c'était un tranquille, personne ne cherchait vraiment à lui causer d'ennuis.
Lui aussi, je l'ai revu aujourd'hui. Je fumais une clope, assis sur le trottoir en face de la Caisse Pop en attendant que la ligne d'attente se claire quand il est apparu dans le champ de vision de mon Kodak. Il parlait encore tout seul, mais ce coup-là il avait un petit écouteur de téléphone cellulaire enfoncé dans l'oreille avec le fil qui descendait le long de son cou, jusque dans la poche de sa chemise. Il commentait le match de hockey d'hier soir entre les Flyers et les Blackhawks à un de ses amis imaginaires. Pas l'avoir connu, j'aurais cru, comme n'importe quel quidam, que c'était quelqu'un de normal qui parlait au téléphone, mais je serais prêt à parier vingt piastres que la poche de sa chemise était vide et qu'il n'y avait rien de branché au bout de son fil de machin mains libres. 
Quelqu'un de normal, un fou. On dirait que quelqu'un a été vendre la clôture pour se payer à boire...
En m'en revenant, je me suis pris un parcomètre dans le buffet. Le ciel était bourré de gros cumulus cotonneux, le temps s'éclaircissait après la pluie et j'avais la tête perdue dans les nuages. M'souviens plus ce que je cherchais exactement, juste que ça a fait mal que le câlisse et qu'à soir j'ai un gros bleu sur le chest.

2 commentaires:

Maytag Evinrude a dit...

de quel couleur était le parcomètre ?

Pat Caza a dit...

couleur marteau