lundi 14 avril 2014

... Cette représentation de la mort absolue, du vide définitif provoque en lui une angoisse qu'il peut combattre en appelant au secours, en idéalisant la disparue ou en déniant sa mort.
Mais quand l'enfant est trop petit pour avoir accès à une telle représentation, c'est son monde sensoriel qui change de forme. La figure familière n'est plus là, vaguement remplacée par une figure inconnue, une intermittente de l'attachement.  Ce changement de monde provoque une adaptation comportementale sans conscience, de la même manière que nous nous adaptons à une privation d'oxygène en accélérant notre respiration sans nous en rendre compte. On peut parler de trauma puisqu'il s'agit d'un coup qui déchire son monde et délabre l'enfant, mais on ne peut pas parler de traumatisme dans la mesure où il ne peut pas encore en faire une représentation élaborale. Ce n'est pas une douleur ni même une perte. C'est une désaffection lente, un malaise qui altère l'enfant d'autant plus insidieusement qu'il ne peut pas maîtriser, combattre ou compenser cette privation affective.
À la longue, l'enfant s'adapte à cet appauvrissement sensoriel par un engourdissement de ses perceptions. Il devient de plus en plus difficile à stimuler et, puisque son entourage n'est plus catégorisé en un milieu familier et un autre inconnu, sa vision du monde devient floue. Il a de plus en plus de mal à faire la différence entre ceux qui le stimulent et ceux qui l'angoissent. Cette désaffectivation explique la nécessité d'une affiliation. Quand autour du petit enfant, les tuteurs sensoriels de développement viennent à manquer, le monde ne se dessine plus. Et quand il n'y a plus de figure saillante ni d'objet historisé, quand une information en vaut une autre, le monde psychique devient flou et la vie mentale ne se structure plus.

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