Sarajevo, Bosnia. April 1994
Les jeunes gens ne peuvent plus sauver le monde, le monde ne peut plus être sauvé. L'idée de salut n'est qu'une idée fausse et nous devons payer nos erreurs innombrables. Il est trop tard pour réparer quoi que ce soit. L'heure des réparations expire et celle des réformes cesse. Les plus heureux mourront en combattant et les plus misérables entassés au fond des caves ou s'accouplant dans les brasiers, afin de tromper l'agonie, l'orgasme aidant. Le monde ne sera qu'un hurlement de douleur et d'extase, où les plus purs d'entre les hommes n'auront que la ressource de s'entr'assommer pour ne pas se mépriser eux-mêmes. Le choix de l'agonie sera le dernier qui nous reste et cela viendra plus tôt qu'on ne pense. Du jour au lendemain nous serons rués dans le précipice et là, nous nous réveillerons, ne fût-ce que le temps de sentir que nous expirons. Alors nous reverrons ce que les Conquérants du Nouveau Monde virent, lorsque des tribus entières se jetaient du haut de leur montagne, à leur approche, à seule fin de prévenir l'horreur inévitable, en trompant la mort avec elle-même…
Bréviaire du Chaos, Albert Caraco

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