lundi 22 janvier 2018

I'd like to point out to people the divine in a musical language that transcends words. I want to speak to their souls...
J Coltrane


...D'une cruauté implacable, ce conflit n'en favorisa pas moins "un essor remarquable de la connaissance érudite". Surtout, il mit en lumière cette fonction des bagarres intellectuelles : "par elles se découvrent ceux qui ont la grâce et ceux qui ne l'ont pas", ceux qui peuvent s'affranchir des règles établies et ceux qui y resteront à jamais enfermés.

LA FRANCHISE PROSCRITE

De ce type de "grâce", notre société semble ne plus vouloir. D'un côté, elle célèbre les pamphlétaires venimeux, qui ne souhaitent rien d'autre qu'anéantir leur cible, ayant tout autre chose en tête que le triomphe de la Vérité. De l'autre, elle chasse les esprits critiques, ceux qui estiment encore assez leurs contemporains pour tenter de les convaincre, quitte à leur dire les choses en face. De là ce phénomène angoissant : dans les colloques académiques comme sur la scène médiatique, la franchise se trouve désormais proscrite. Exprimez le début d'un désaccord avec tel "cher collègue", l'esquisse d'une divergence avec tel "cher confrère", et vous passerez aussitôt pour une brute.

"Dans l'état actuel des choses, constate le sociologue Bernard Lahire dans sa postface, celui qui exerce son sens critique est souvent soupçonné d'agressivité, de méchanceté ou de dureté, et ce, indépendamment de la justesse de la critique. La rigueur intellectuelle est, pour certains, un simple signe de rigidité morale ou psychique, et l'exercice de la critique est réduit à une entreprise malveillante, voire terroriste."

LE MOT QUI TUE. UNE HISTOIRE DES VIOLENCES INTELLECTUELLES DE L'ANTIQUITÉ À NOS JOURS. 
Sous la direction de Vincent Azoulay et Patrick Boucheron. Champ Vallon, "Epoques"

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