Ni ce livre, ni moi nous ne faisons de politique. Le sujet dont je parle ici est antérieur à la politique; il est dans le sous-.sol de la politique. Mon travail est un labeur' obscur et souterrain de mine. La mission' de celui -qu'on a nommé « l'intellectuel:. est en un certain sens opposée à celle du politicien. L'œuvre de l'intellectuel aspire - souvent en vain - à éclaircir un peu les choses, tandis que celle du politicien consiste souvent à les rendre plus confuses.
Etre de gauche ou être de droite c'est choisir une des innombrables manières qui s'offrent à l'homme d'être un imbécile; toutes deux, ,en. effet, sont des formes d'hémiplégie morale. De plus, la persistance de ces qualificatifs ne contribue pas peu à falsifier encore davantage la « réalité :. du présent, déjà fausse par elle-même'; car nous avons bouclé la boucle des expériences politiques auxquelles ils correspondent, comme le démontre le fait qu'aujourd'hui les droites promettent des révolutions et les gauches proposent des tyrannies.
La caractéristique du moment, c'est que l'âme médiocre, se sachant médiocre, a la hardiesse d'affirmer les droits de la médiocrité et les impose partout. Comme on dit en Amérique du Nord, être différent est indécent. La masse fait table rase de tout ce qui n'est pas comme elle, de tout ce qui est excellent, individuel, qualifié et choisi. Quiconque n'est pas comme tout le monde, ne pense pas comme tout le monde, court le risque d'être éliminé.
La Révolte des masses, 1929
Jose Ortega y Gasset
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